Le DAF, une ressource clé

Publié le jeudi 3 septembre 2020.

Transformation de la fonction finance

Jérôme de Langlade est DAF et Manager de la transition numérique. Il répond aujourd’hui à nos questions au sujet de la transformation de la fonction finance, des enjeux et des ressources à mettre en place pour réussir la transition numérique.

Le rôle du DAF dans la transformation de la fonction finance

Bonjour Jérôme. Vous êtes DAF et Responsable de la Transformation de la fonction finance. Comment le rôle du Directeur Financier évolue-t-il selon vous ?

« Au cœur des entreprises de toutes tailles, le(la) directeur(trice) financier(cière), garant des enjeux financiers de l’entreprise, a dû s’adapter à l’évolution des technologies de l’information, et son rôle s’est renforcé pour devenir une ressource clé.

Le DAF doit construire un environnement financier résilient, à travers la fourniture de données réelles et prévisionnelles toujours fiables, dans un temps de plus en plus raccourci et au moindre coût.

Harmoniser les processus et les reportings, automatiser les tâches sans valeur ajoutée, réduire les délais et les coûts, fiabiliser les prévisions (en particulier résultat et cash opérationnel, mais aussi la charge des ateliers), intégrer des données non financières au reporting ( RSE, Loi Pacte, Risques…) sont autant de moyens permettant de répondre aux attentes du marché et d’améliorer le pilotage de l’activité. »

Automatiser les tâches sans valeur

Lors de vos expériences, vous avez justement cherché à harmoniser les reportings et à automatiser les tâches sans valeur. Quel était le contexte ?

« Je travaillais dans une division d’un groupe anglo-saxon coté à Londres, d’un milliard de Livres de chiffre d’affaires. La majorité des pays de cette division avait, petit à petit, adopté le même ERP. Pour la gestion des comptes Management, le groupe utilisait IBM TM1 (*ancien IBM Planning Analytics), dans lequel nous faisions nos reportings mensuels, trimestriels et annuels.

En tant que Responsable de la Transformation de la fonction Finance, j’ai proposé plusieurs chantiers : développer l’EDI (Echange de Données Informatisées), créer des champions régionaux de l’ERP par métier et par zone géographique, et automatiser le reporting. »

Comment se passait le reporting avant l’automatisation ?

« Nous faisions le reporting mensuel en J+4. On imprimait des états de l’ERP que l’on recopiait dans un fichier Excel. Le fichier de reporting mensuel était composé d’une vingtaine de feuilles. Une fois complété et validé, il était envoyé dans IBM TM1 (outil de planification et budgétisation, d’analyses et de prévisions) à l’aide d’une macro. Tous les pays du périmètre envoyaient leurs fichiers Excel en central pour la consolidation des comptes Management de la division.

On passait beaucoup de temps à produire ce reporting à travers différents états et nous n’avions quasiment pas le temps d’analyser les données avant la clôture. Je voulais automatiser la production du reporting pour passer d’un système de reporting à un système de controlling, et donc prendre le temps d’analyser les données avant leur validation. »

Comment avez-vous fait ?

« Tout d’abord, nous avons dû nettoyer les données: comme tous les pays avaient implémenté l’ERP les uns après les autres, il fallait revoir le mapping entre les comptes de l’ERP et le reporting.

En effet, on retrouvait souvent deux problématiques qui rendaient la donnée peu fiable : il arrivait que plusieurs comptes différents aient été créés dans l’ERP pour y renseigner la même information. Il arrivait également que le même type d’information ne soit pas reporté au même endroit. Une fois tout cela harmonisé, chaque société a dû adapter son reporting. Concomitamment à cette phase de nettoyage et de préparation du nouveau mapping, nous avons développé l’automatisme en créant une transaction dans l’ERP, qui allait chercher les données dans l’ERP et les envoyait directement dans l’outil de reporting IBM TM1. »

Quels bénéfices avez-vous pu constater ?

« Nous avons pu constater deux bénéfices : une amélioration de la fiabilité des données, et un gain de temps qui nous a permis d’analyser nos données. Chaque société a gagné 1 jour sur 4 pour analyser ses chiffres. »

Le prévisionnel : l’un des chantiers du DAF

Analyser le réalisé, c’est piloter le passé. Vous évoquiez également le prédictif/prescriptif comme l’un des chantiers du DAF. Que peut-on dire de l’aspect prévisionnel ? 

« C’est un sujet sur lequel les entreprises doivent encore travailler. La Finance fait généralement ses prévisions avec les outils dont elle dispose qui, le plus souvent, restent les outils bureautiques comme Excel.

Dans le domaine industriel, les groupes les plus avancés utilisent le jumeau numérique (ou digital twin), c’est-à-dire une réplique au niveau numérique d’une machine, voire d’une usine. Les informations sont obtenues grâce à des capteurs installés sur des machines et sont envoyées sur leurs jumeaux numériques.

L’informatique obtient alors toutes les données en temps réel. On peut ensuite changer une variable et voir ce qu’il se passe. Cela permet de faire de la maintenance préventive, comme déterminer la cause de l’arrêt d’une machine par exemple. Mais le préventif, ce n’est pas nouveau.

On peut également faire du prédictif : observer la hausse d’une cadence et constater les conséquences, déterminer les volumes optimaux pour la rentabilité d’une machine ou d’une usine, etc… C’est un outil très utilisé dans l’aéronautique ou dans le médical (réplique du cœur d’un patient pour résoudre des problèmes cardiaques, …). On teste sur le jumeau numérique avant d’appliquer les modifications dans la réalité.

Pour mettre en œuvre une gestion prévisionnelle réussie, il est nécessaire de dépasser les limites de la bureautique. La donnée doit être fiable et partagée entre la gestion et les opérations. Un référentiel partagé, un historique fiable, des capacités de simulation en temps réel, à la main des métiers, sont les bases d’un outil de pilotage moderne. La mise en place d’une solution moderne de pilotage des performances, qui adresse à la fois les sujets financiers classiques mais aussi les sujets extra-financiers, est un enjeu stratégique. Piloter, anticiper, simuler, etc. déterminent l’agilité de l’organisation, sa capacité à prendre les bonnes décisions.

Réussir la mise en œuvre d’une solution moderne d’aide à la décision est déterminée tout à la fois par la maîtrise de son SI, par sa capacité à développer en interne de nouvelles compétences nécessaires (gestion de projet, technologie de pilotage, etc.), par la possibilité de casser les silos de l’organisation et par un sponsoring durable de la direction. »

Le rôle de la direction financière est clé dans la réussite de ce genre de projet.

La prise en compte de l’extra-financier

Vous avez également évoqué le fait de prendre en compte les éléments extra-financiers dans des rapports aujourd’hui purement financiers…

« Ce sujet devient incontournable. Dans une entreprise cotée, il faut remonter un certain nombre d’indicateurs extra-financiers, généralement non pris en compte dans les reportings. Cela peut être intéressant de voir comment intégrer ces données dans un reporting conçu au départ pour remonter des données purement financières, ou de management ou de consolidation.

Cela va être de plus en plus nécessaire sur la question de l’ environnement notamment car les entreprises mettent de plus en plus ce sujet en avant. Les indicateurs RSE (environnement, social, loi pacte…) sont concernés. Il pourrait être nécessaire de savoir, qu’au niveau consolidé, il y a eu une réduction des déchets de telle ampleur par rapport à l’année dernière. Pour faire cela, il faut avoir l’information site par site et qu’elle puisse être consolidée. »

La réussite de la transformation de la fonction finance

Quel est, selon vous, le rôle du responsable de la transformation de la fonction finance ? A quels nouveaux enjeux doit-il répondre ?

« C’est un rôle transverse, hors des enjeux du quotidien. En fonction du périmètre à traiter, cela peut être un rôle spécifique ou endossé par le Directeur Financier. Si c’est une petite structure, le DAF peut traiter les sujets de transformation avec la DSI. Sur une plus grosse organisation avec de multiples projets à mettre en œuvre, parfois à l’échelle internationale, cela peut mériter quelqu’un de dédié, à temps plein.

Quoiqu’il en soit, il faut que quelqu’un impulse la transformation. Pour que les équipes suivent, il doit y avoir des « quick wins ». Les gens impactés par les projets doivent rapidement voir des améliorations, même si celles-ci peuvent paraître minimes. Les quick wins doivent donc être gérés dans le temps. Les premiers succès doivent arriver assez vite et être communiqués par une personne en interne : le chef de projet ou le DAF. »

Pour réussir cette transformation de la fonction finance, de quelles aides le DAF dispose-t-il ?

« Pour y parvenir, le DAF dispose aujourd’hui d’une multitude d’outils sur le marché (CSP, Data Mining, EDI, EPM, Fast Close, Hyper Automatisation, IA, Process Mining, RDA, RPA, Solutions BI, etc.…). Peu importe le sujet, la technologie peut y répondre.

L’accompagnement autour de ces technologies est également primordial. Il existe aujourd’hui un grand nombre d’acteurs sur le marché, en particulier les cabinets d’audit et conseils mais pas uniquement, proposant leurs services de mise en place des outils, en mode SAAS ou en mode In Situ.

L’essentiel reste cependant d’avoir la bonne ressource en interne qui va accompagner le projet et le Change Management associé, y intégrer de la gouvernance et du contrôle, un sponsoring fort, une bonne communication et délivrer les premiers « quick wins » indispensables à la réussite globale du projet. »