Richard Aznar est directeur du contrôle de la performance, consultant et manager de transition. Au cours de cette interview, il nous parle des tenants et aboutissants de la gestion des données dans l’assurance.
L’importance de la gestion de la donnée dans l’assurance
Bonjour Richard. Tu es directeur du contrôle de la performance, consultant et manager de transition. Tu interviens principalement dans les secteurs des assurances et des services. On comprend l’importance de la gestion de la donnée aujourd’hui. Justement comment sont les données dans l’assurance ?
Je dirais que les données de l’assurance sont nombreuses. Elles sont plutôt bien structurées, c’est lié au métier. Je pense en particulier aux actuaires. C’est aussi la nécessité de traiter les volumes d’informations très importants : des millions prélèvements, des millions de contrats sont gérés et ce, pour des durées très longues. Par ailleurs, il y a toute la dimension réglementaire, avec la lutte anti-blanchiment, lutte antiterroriste avec tout ce qui est KYC. Tous ces éléments-là, soumis au règlement RGPD, vont faire que la gestion des données de l’assurance est bien structurée. Elles sont relativement fiables.
La question de l’homogénéité de la donnée
On comprend que la gestion de la donnée dans l’assurance est en avance par rapport aux autres secteurs. Mais est-ce que la donnée est homogène ?

La donnée n’est pas homogène du tout. Cela va dépendre de où l’on est et de quel métier on fait. Si je travaille sur la partie réglementaire, les données sont bien structurées, c’est une obligation. Sur la partie développement [business développement commercial/ cross sell], il y a des POC et des implémentations qui sont performantes.
Sur la partie reporting à l’inverse, ce ne sera pas forcément aussi bien structuré. De nombreux rapprochements n’ont pas été finalisés au niveau des groupes ou des diverses entités. Et puis, cela dépend de la taille des acteurs. Les grandes compagnies, elles, sont plutôt en avance. Les petites compagnies, la partie niche ou les courtiers, eux, n’ont pas forcément les mêmes priorités et vont avoir un peu de retard vis-à-vis des des principaux acteurs.
Les 3 enjeux majeurs pour le pilotage financier
Pour encore mieux utiliser les données, il y a des sujets de gouvernance de transformation et de moyens. Quels seraient les 3 enjeux majeurs côté pilotage financier ?
Je dirais le projet en lui-même. Avoir un project sponsor qui soit au bon niveau, de façon à pouvoir aligner les objectifs et les attendus de chacun. Quand je dis chacun, c’est l’informatique, c’est éventuellement la partie technique-assurance, voir l’actuariat, pour que l’on ait une structure pour que l’ensemble de ces enjeux soient traités. Donc, le project sponsor va être extrêmement important.
Le deuxième point concerne le référentiel. J’insiste beaucoup pour que l’on ait un référentiel qui soit exigeant et qui soit maintenu. C’est-à-dire, mettre les bonnes personnes pour qu’on s’assure dans le temps qu’il n’y aura pas de dérive du référentiel et qu’on continuera à fournir ce que l’on est censé fournir dans de bonnes conditions.
Enfin je dirais un outil, parce que bon… La dataviz c’est très bien. On fait des choses très belles aujourd’hui mais, tout le monde en fait. Par contre, il faut être capable de fournir des balance scorecards, intégrer des outils qui vont eux-mêmes avoir un peu d’intelligence pour pouvoir proposer des KPI, pour pouvoir proposer de reportings, pour pouvoir permettre de faire de la simulation, tout en archivant l’ensemble des données. Il faut opter pour des outils intelligents, qui vont vraiment faciliter la vie et vont permettre de garder une certaine ampleur dans les rendus.
Gestion des données dans l’assurance : comment valoriser les données ?
Qu’est-ce que tu entends par valoriser un maximum de données ?
Valoriser un maximum de données, c’est-à-dire le chiffre d’affaires, des montants de prime, du nombre d’actes… des éléments qui vont être intéressants pour fournir des reportings intelligents comme des balance scorecards. C’est-à-dire des éléments RH, des éléments de relation client, des éléments de durée moyenne de traitement, des éléments liés au back-office… Des éléments qui vont aussi permettre d’aller sur les modèles d’allocation de coûts, qui sont souvent utilisés pour faire cadrer la compta et la gestion, pour faire aussi cadrer la reconnaissance du chiffre d’affaires.
L’intelligence artificielle dans l’assurance
On parle beaucoup d’intelligence artificielle dans la finance et dans l’assurance. Où est-ce qu’on en est réellement aujourd’hui?

On parle d’intelligence artificielle, mais de quoi parle-t-on exactement ? On en entend effectivement beaucoup parler. Beaucoup de monde disent qu’il y a de l’intelligence artificielle mais je ne pense pas qu’il n’y en ait pas vraiment.
Ce qui existe aujourd’hui concerne les obligations réglementaires, la lutte anti-blanchiment… Zelros fait des choses très intéressantes. Idem pour la partie développement du business cross sell, sur du scoring, des propositions sur un certain nombre de produits qui seront adaptés à l’assuré que l’on a en ligne ou aux sociétaires.
On va avoir également un certain nombre d’outils qui vont permettre d’aider dans la relation client. Là, on a vraiment de l’IA, c’est-à-dire du voicebot, du chatbot, qui permettent d’optimiser et de réduire le temps, et donc les coûts lors de la relation client et de mesurer la satisfaction client.
Du côté financier, cela concerne la partie comptable avec les imputations automatiques de factures. Mais c’est assez ancien. Alors est-ce que c’est vraiment de l’IA ? Cela reste à discuter.
On a aussi des outils de reporting, je pense à IBM planning Analytics qui fournit un tas d’éléments prospectifs, des outils qui proposent des KPI auxquels on ne pense pas forcément parce qu’il calcule les corrélations et ça, c’est à la fois moderne, intelligent et ça facilite quand même bien la vie et le pilotage financier.
Sur l’ensemble de cette chaîne, on a des outils sur l’aide à la décision qui facilitent la gestion de la donnée dans l’assurance ou le Core Business. Par contre, ce que l’on n’a pas aujourd’hui de mon point de vue, c’est de l’IA qui va être réellement auto-apprenante (analyse des contrats, des sinistres, des souscriptions et des primes) pour créer de la tarification en toute autonomie. A ma connaissance, cela n’existe pas. Petit à petit, je suis convaincu que cela va arriver, même si ça va mettre du temps.
Les positions des assureurs sur l’évolution des outils
Quelle est la position des assureurs sur les sujets des évolutions et des outils ?
Il y a beaucoup d’entreprises qui travaillent aujourd’hui à mettre en place des solutions. La scalabilité reste à démontrer, Elle n’est pas évidente dans les POC qui ont été faits. L’ensemble des opérateurs intègre la digitalisation. En fonction des enjeux (réglementaire, aide à la vente ou relation client), ça avance bien. C’est un peu plus long sur le back office ou la partie finance. Et en fonction de la taille de l’acteur, on et plus ou moins en avance. Les courtiers de petite taille ou les compagnies de niche sont évidemment moins en avance.